Binta



Episode 1: La rencontre

— Qu'est ce que vous avez choisi, Madame ?
Binta leva les yeux sur le serveur. Elle avait horreur qu'on ne lui laisse pas assez de temps pour décider de ce qu'elle devait commander. Elle eut envie de lui faire la remarque, mais se retint et demanda qu'il lui apporte une coupe de Martini blanc déjà avant de passer la commande pour le plat de sole braisé accompagné de pommes de terre sautées. Il lui apporta très vite son verre de Martini et elle y plongea les lèvres avec délectation. La journée avait été rude. Elle avait passé sa journée de travail à convaincre le conseil administratif et financier de son entreprise du bien-fondé de la création d'un nouveau produit. La bataille avait été rude et quand ils avaient finalement donné leur accord, elle n'avait plus la force de sauter de joie. Elle posa son verre et releva sa lourde chevelure bouclée en une torsade qu'elle stabilisa tant bien que mal avec une épingle retrouvée entre deux boucles. Durant cette manipulation, elle croisa le regard d'un homme assis deux tables plus loin. Il était bel homme et à une époque, elle lui aurait fait un petit numéro de charme. Cette époque était hélas révolue ! Elle se méfiait des hommes comme de la peste même si elle n'avait pas connu cette terrible maladie. Elle détourna les yeux et se concentra sur sa boisson. Quelle fut sa surprise de voir, en levant les yeux, cet homme en face de sa table !
— Puis-je ? Demanda-t-il en indiquant la deuxième chaise de la table .
— Je ne sais pas trop.
— S'il vous plait, en me laissant ainsi vous me mettez dans l'embarras.
Binta haussa un sourcil avant de lui faire signe de s'asseoir.
— Et bien, que puis-je faire pour vous ?
— Me donner une chance de mieux vous connaitre ?
Binta partit d'un rire qu'elle contint à grand-peine. Elle en avait entendu des choses, mais celle-là c'était la première fois.
— Si j'ai pu vous redonner le sourire, je me dis que ma démarche n'est peut-être pas vaine
— Peut-être pas en effet. Vous êtes direct quand même !
— Pourquoi tourner autour du pot quand on sait ce qu'on veut ?
La commande arriva heureusement et lorsque le serveur se retira, Binta regarda franchement son séducteur d'un soir.
— Je ne sais pas si je suis ce que vous voulez, mais je sais que vous n'êtes pas ce que je veux donc je vous remercie pour cette agréable distraction, mais là je vais passer aux choses sérieuses.
— J’ai commandé la même chose et je pense que mon assiette ne va pas tarder à arriver sur votre table, j'aimerais vous tenir compagnie jusqu'à la fin des temps.
— Vous êtes sûr que ça va ?
— Plus que bien et pour cela, je ne peux que vous en remercier.
Binta était sans voix, il avait réponse à tout et elle se dit que si elle persistait à se débattre, il n'en serait que plus ravi. Elle lui adressa donc son plus beau sourire et dit, d'une voix langoureuse dont elle avait le secret.
— Parlez-moi de vous, cher monsieur, à commencer par votre nom en attendant que votre plat rejoigne le mien.
Il parut surpris de ce changement de ton et sembla légèrement déstabilisé. Binta se retint de sourire et le regarda comme s'il était un diamant extrêmement précieux.
Dans les minutes qui suivirent, elle sut qu'il s'appelait Hamed, qu'il avait 40 ans, qu'il était directeur financier d'une société d'import-export très connue pour laquelle elle avait déjà travaillé, qu'il avait fait ses études en France, qu'il était d'une vieille famille, qu'il avait des parents dans la politique et l'armée, qu'il vivait seul avec un boy-cuisinier, qu'ils habitaient le même quartier et enfin qu'il avait d'autres propriétés disséminées un peu partout dans le monde. Quand son repas rejoignit le sien, il échangea les assiettes malgré son refus et ils mangèrent dans une atmosphère plus détendue.
— Après tout ce que vous venez de me dire, j'ai l'impression qu'on aurait dû se connaitre depuis longtemps.
— On se connait, en fait je vous connais Binta, mais vous n'avez que rarement levé les yeux sur moi.
— ah bon ?
— Oui, je sais que tous les dimanches vous faites un jogging de deux heures, vous passez devant ma maison et devant moi par la même occasion, j'attends quelques minutes et je cours derrière vous, mais jamais vous n'avez fait attention à moi.
— Je suis désolée
— Ne le soyez pas, le moment n'était pas venu
— Et maintenant, il l'est ?
— Oui

Unknown

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